Dans le roman Kiffe kiffe demain, Faïza Guène illustre bien l’éloignement social entre les Français « de souche » et les habitants de sa propre communauté de banlieue par leurs clivages linguistiques. Comme l’ont montré d’autres étudiants en cours et ici sur le blog, la narratrice écrit parfois en verlan et emploie un style plutôt familier. Quand elle prononce le mot « Job » à l’anglaise, par exemple, sa prof de français lui crie « Parr votrrre faute, le patrrrimoine frrrançais est dans le coma ! » (152).
On voit un accent pareil sur le langage dans le film Entre les murs de Laurent Cantet, qui a gagné la Palme d’Or à Cannes en 2008. Le film se déroule dans un collège du vingtième arrondissement de Paris, un quartier assez pauvre même s’il est dedans les frontières de la ville. Cantet met en scène de manière franche l’environnement quotidien d’une seule classe et les tensions qui s’y manifestent entre le prof blanc et ses élèves d’origines diverses. Dans la scène que j’ai mise ci-dessous, le prof essaie d’enseigner l’imparfait du subjonctif du verbe « être » (Il fallait que je fusse, etc.). Une élève de la classe proteste que personne ne parle comme ça (« Mais vous croyez vraiment que je vais allez voir ma mère et que je lui dirai ‘Il fallait que je sois fusse…’ ?»), alors qu’un garçon affirme « C’est dans le Moyen Age! ». Ces protestations renforcent l’idée que ces spécificités soutenues de la langue française n’ont rien à voir avec la vie que partagent les enfants de ce quartier ; cette classe marque le lieu de rencontre entre un monde statique dans son emploi de la langue et un autre dont les habitants ne s’intéressent pas du tout à des règles qui n’ont aucun sens pour eux.
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Je vous conseille vivement d’aller voir ce film…