Texaco

Texaco est probablement l’ouvrage le plus fascinant de Chamoiseau. Il  y accomplit une tâche monumentale: relater plus de cent cinquante années de l’histoire d’un peuple. À cheval entre faits historiques, mythes populaires, témoignages individuels, il offre une perspective nuancée et poignante aussi bien sur l’esclavage que sur la Martinique moderne qui fait face aux défis de l’urbanisation. Vous trouverez ici un bref aperçu des impressions partagées par les étudiants pendant le cours offert en Automne 2012.

                           

Intrigue

Un urbaniste se rend à Texaco, un bidonville de Fort-de-France et est accueilli par un coup de pierre. Quelques instants plus tard, il se réveille en présence de Marie-Sophie Laborieux. Commence alors une conversation qui permet à la fondatrice de Texaco non seulement de partager son histoire, mais bien plus important d’y associer l’urbaniste en vue de parvenir à la protection des aspirations légitimes (mais bien souvent ignorées) des habitants de Texaco.

Structure

L’oeuvre comprend trois parties:

  • Annonciation
  • Le sermon de Marie-Sophie Laborieux (divisée en deux tables: Autour de Saint-Pierre et Autour de Fort-De-France)
  • Résurrection
Histoire et Mémoire  dans Texaco

“Je ne vais pas te refaire l’Histoire, mais le vieux nègre de la Doum révèle, dessous l’Histoire, des histoires dont aucun livre ne parle, et qui pour nous comprendre sont les plus essentielles.” (Page 49)

Il est important de réaliser que Texaco est à la fois un roman et un travail de mémoire, une œuvre historique.

D’une part, Texaco est sans aucun doute un roman. On y découvre des personnages, une intrigue principale, et différents lieux ; le tout écrit la plupart du temps en prose. En fait, il y a tellement d’intrigues que l’on pourrait considérer Texaco comme un une collection d’aventures fictives, un recueil de nouvelles, n’eut-été la présence permanente de la narratrice « Marie Sophie Laborieux et son Esternorme. »

D’autre part, Texaco se présente comme un travail d’histoire. Cela se perçoit dans un premier temps à travers la structure de l’œuvre. Chamoiseau précède le texte d’une chronologie digne d’un livre d’histoire. Ensuite, tout au long de l’intrigue, Il fait référence à des évènements relatés dans bon nombre de livres d’Histoire : l’Abolition de l’esclavage en 1848, la visite en Martinique de De Gaulle en 1964, les réformes urbaines des années 1980s…

Bien plus important, tout au long de son oeuvre, à travers ses choix narratifs, typographiques, et de registre, Chamoiseau nous rappelle que la vérité que nous recherchons dans notre passé, bien que difficile à atteindre est fort probablement mieux poursuivie à travers une appréciation de la subjectivité et la multiplicité des perspectives des uns et des autres. C’est en ne sacrifiant point l’imaginaire sur l’autel de la précision scientifique que l’on finit par cerner les réalités et leçons sociales contenues dans notre mémoire et nos souvenirs. 

Opacité dans Texaco

Chamoiseau utilise aussi un registre contextuel. Bien plus important, il se réserve la liberté d’aider le lecteur ou non. Il semble nous rappeler ici que même si une œuvre est faite pour être lue, il faut faire attention à ne point sacrifier la complexité d’une histoire dans le but de la rendre plus accessible au lecteur. La plupart du temps les expressions créoles sont en italique. Il reste clairement fidèle à certains des principes de la créolité.

Il me semble même qu’on ne pourrait pas exprimer la vérité d’une culture donc d’un pays sans opacité. Alors à la limite les deux vont ensemble, vérité-opacité. Dans toutes les vérités humaines il y a une dose irréductible d’opacité donc je n’ai pas eu de problème de ce côté-là. Par contre dans la littérature, telle qu’on la conçoit habituellement – les rapports entre les hommes et entre les cultures – on a l’habitude de se baser sur la lisibilité ou la transparence et c’est là où les problèmes commencent pour moi, c’est-à-dire que beaucoup de gens vont dire, par exemple en parlant de Texaco, “je ne comprends pas”, “il y a des choses qui m’échappent”, “il y a beaucoup de mots illisibles” et cetera. Les gens n’acceptent pas qu’il puisse exister dans une narration des zones opaques, des zones illisibles, intraduisibles, qui sont peut-être vraies pour moi et qui correspondent à des réalités etc… mais qui pour eux ne veulent rien dire, qui sont opaques pour eux et il a fallu quand même imposer un certain nombre de choses. Donc dans cet esprit-là, je n’ai pas de glossaire, il n’y pas de glossaire à la fin. Je mets les mots créoles tels qu’ils existent. Je ne vais pas les traduire… des choses comme ça.

~ Chamoiseau (Entretien)

Sources
http://consus-france.over-blog.fr/article-texaco-by-patrick-chamoiseau-60297298.html
http://www.nytimes.com/books/97/03/30/reviews/970330.30michaet.html
http://www.powells.com/biblio/17-9780679751755-3
http://www.worldcat.org/title/texaco/oclc/34984265&referer=brief_results

 

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