Dans le chapitre « American Banlieue » de Rebel Music : Race Empire and the New Muslim Youth Culture, Hisham Aidi juxtapose deux artistes musulmans de hip-hop français qui prennent des approches très différents dans leur musique.
Le premier artiste est Abd Al Malik, rappeur français-congolais qui grandit à Neuhof, une cité HLM à Strasbourg. Comme Aidi affirme, Abd Al Malik est probablement l’artiste hip-hop français le plus célèbre de la dernière décennie. Bien qu’il ait été élevé comme chrétien (il était enfant de chœur à l’église), il a se convertit à l’islam pendant son adolescence et il a pris le nom Abd Al Malik. Malik est fortement inspiré par le soufisme. Sa musique incorpore des éléments du rap et hip-hop, du jazz, de la chanson française, du slam et du soufisme pour souligner la valeur du travail acharné, de l’éducation et de la spiritualité. Dans sa musique et dans son autobiographie, il affirme qu’il est fier d’être français. En outre, il parle avec une certaine poésie élégante d’une « France plurielle » dans laquelle l’universalisme de soufisme peut adapter à l’idée française de la citoyenneté laïque. En fait, en janvier 2008, Malik est décoré chevalier dans l’ordre des Arts et Lettres par la ministre de la Culture, ce qui est l’un des honneurs culturels les plus prestigieux en France.
Donc, Malik est un artiste hip-hop français qui a connu un succès de masse et que même l’Etat apprécie. Selon Aidi, sa musique incarne le genre de piété islamique qui peut être autorisé dans la sphère publique française.
Voici le clip pour sa chanson, “Mon Amour” (2010):
D’autre part, le deuxième artiste que Aidi présente est Médine, rappeur indépendant français d’origine algérien qui a grandi au Havre en Normandie. Contrairement à Abd Al Malik, Médine adopte une approche directe et agressive. Dans sa musique, il attaque tous les problèmes qui affrontent les beurs en actualité, comme l’exclusion sociale des jeunes français non-blancs, les conditions dans les banlieues et les déprédations occidentaux du tiers monde. Médine rappe avec une voix rauque et il la couple avec des instrumentaux hardcore. Ses paroles sont plein de jeux de mots et elles comprennent beaucoup de références au colonialisme, Malcolm X, l’Afghanistan, l’acte de Patriote, la brutalité policière et de la ségrégation. De plus, ses clips montrent des images de la guerre, des manifestations et même le waterboarding. Je suis récemment devenu très fasciné par Médine quand j’ai vu son clip sur YouTube pour la chanson « Don’t Laïk »:
Tout d’abord, le titre de la chanson est un jeu de mots avec le mot « laïcité » et le mot anglais « like ». Donc, Médine faire un double sens avec le titre avec la phrase « Don’t Like » et « Don’t Laïque ».
Dans la vidéo, l’image que j’ai trouvé la plus provocatrice et puissante est à 0:58, où on peut voir une femme avec le dos face à nous qui semble porter une burqa. Mais soudainement, elle tourne autour de nous pour révéler qu’elle porte l’habit de bonne sœur et elle est noire. De plus, elle tient une pancarte avec les mots « NO BURQA ». Cette image évoque un sens de surprise et de l’ironie et donne un commentaire social sur l’interdiction de la robe musulmane conservatrice en France. En fait, il y a beaucoup plus d’images celle-ci tout au long du clip. Par exemple, à 1:37, il y a une image d’un gâteau avec le mot « Halal » qui est coupé par une femme blonde. Quand elle coupe le gâteau, il est révélé que la tranche du gâteau est dans les couches de rouge, blanc et bleu. Puis, on découvre que cette femme porte le bonnet phrygien et représente Marianne, une figure allégorique de la République française, et elle mord dans la tranche.
Par ailleurs, les paroles sont tout aussi puissant, sinon plus. Il commence la chanson avec cette phrase puissante :
Dieu est mort selon Nietzsche,
« Nietzsche est mort » signé Dieu.
La phrase suivante dit :
On parlera laïcité entre l’Aïd et la Saint-Matthieu.
En fait, cette phrase critique l’idée d’une laïcité absolue et pose la question : entre une fête musulmane et une célébration chrétienne, où en est la laïcité française ?
De plus, à 0:55, avec l’image d’une femme qui porte un hijab et tient le Coran, il dit :
Ils connaissent la loi, on connaît la juge
Pas de signe ostentatoire, pas même la croix de Jésus.
Dans cette phrase, Médine invite l’auditeur en utilisant « on » et il se réfère au reste de la France conservatrice avec « ils ». Il implique que biens qu’ils connaissent la loi de l’Etat, « on » connaît Dieu qui est finalement le juge. Ensuite, il déclare que la voile n’est pas un signe ostentatoire mais il ajoute que la croix de Jésus n’est pas un signe ostentatoire non plus.
Dans le refrain, Médine emploie le titre de la chanson pour donner son point de vue sur la perception négative des musulmans en France :
Ta barbe, rebeu, dans ce pays c’est Don’t Laïk
Ton voile, ma sœur, dans ce pays c’est Don’t Laïk
Ta foi nigga, dans ce pays c’est Don’t Laïk
Madame monsieur, votre couple est Don’t Laïk
Ce que j’admire à propos de cette chanson, c’est que chaque mot dans cette chanson et même chaque image dans la vidéo est si soigneusement et intelligemment choisi pour créer un message puissant et pour donner une voix aux jeunes les plus pauvres et exclus en France. Comme Médine a dit lui-même, « les fléaux de notre société sont la précarité et l’instabilité dans la tête des jeunes ».
Ce qui n’est pas surprenant, c’est que Médine n’est pas populaire du tout avec l’Etat et la société en général. En fait, il y a certaines stations de radio qui le boycottent pour être communautariste. De plus, les critiques l’accusent d’être fondamentaliste et qu’il ne respecte pas les principes fondamentaux de la République.
Malgré cela, Médine est extrêmement populaire parmi les jeunes français, et sa manière conflictuelle et provocatrice résonne plus avec les jeunes que l’approche de Abd Al Malik.
Sources:
https://fr.wikipedia.org/wiki/Abd_al_Malik_(artiste)
https://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9dine_(rappeur)
http://din-records.com/artistes/medine/