Les Expropriations de la côte Ste-Marie

La côte Ste-Marie, comme bien des côtes du comté de Deux-Montagnes, a reçu une couverture médiatique soutenue au moment de son expropriation pour la construction de l’aéroport de Montréal (Mirabel). Mais pour la côte Ste-Marie, cette opération n’était pas isolée. Ce n’est qu’une des cinq amputations qu’elle a subi au cours du 20e siècle. Ce qu’il en reste aujourd’hui est donc particulièrement morcelé.

  • En 1921, le Canadian Northern Quebec Railway Company achète une partie des terres au sud-ouest de la côte, afin d’y passer une nouvelle ligne (e.g., l’acte enregistré au DM38918 RB, le 13 décembre 1921). Dans la photo aérienne ci-bas, on voit très bien la coupe des terres qui en résulte.

    Photo aérienne des rangs Sainte-Marie (flèche vers le bas) et Sainte-Dominique au printemps 1950. Le chemin de fer (flèche vers le haut) y est clairement visible. Source: Cadre national des données d’observation de la Terre, rouleau A12487, photo 67.
  • En 1956, l’annonce de la construction de l’autoroute 15 (la première autoroute de la province), résulte en l’expropriation des lots à la limite nord du rang.
  • En 1959, ce qui deviendra la connection entre les autoroutes 50 et 15 résulte en des expropriations supplémentaire au nord-est du rang (e.g., l’acte enregistré au DM96247 RB, le 24 décembre 1959). Les propriétaires consentent alors “une servitude réelle et perpétuelle à l’autoroute”!
  • En 1969, pour la construction de l’aéroport de Mirabel, le ministère des transports canadiens émet un certificat d’expropriation (enregistré au DM133274 RB, le 27 mars 1969) dans lequel tous les lots identifiés à l’acte “distraction faite des chemins publics et des chemins de fer” deviennent possession de sa Majesté la Reine.
  • Cette distraction vaudra finalement à l’administration fédérale une seconde transaction (enregistrée au DM147374 RB, le 26 janvier 1971) afin d’acquérir les avoirs de la Canadian Northern Quebec Railway Company sur le rang.
  • Finalement, au milieu des années 1970, la construction de l’autoroute 50 coupe ce qu’il reste du rang au nord de l’aéroport en deux à nouveau.

    Ce qu’il reste du rang Ste-Marie (point rouge) en 2020. Source: Google Earth.

La Petite École de la côte Sainte-Marie

15 490, rang Ste-Marie, ancien lot 9, au complément de la paroisse de St-Jérôme, et partie du lot No 908, au terrier des Sulpiciens. Crédit: Patrick Charbonneau, juin 2016.
Maison du rang Sainte-Marie dans laquelle était située l’école No 4. Crédit: Patrick Charbonneau, avril 2018.
Ancienne école de rang, vers 1990. Collection Simone Guay.
Élèves devant l’école vers 1944. Collection Simone Guay.

En 1850, les commissaires de la municipalité scolaire No 4 de St-Jérôme ont acquis de Jean Baptiste Charbonneau, au lot 908 (du terrier des Sulpiciens, No 10 au cadastre),  sur la Côte Sainte-Marie, un terrain de 57 pieds de front par 74 pieds de profondeur “à perpétuité […] pour l’objet de l’éducation”*. Ils y ont ensuite établi une petite école. L’acquisition semble avoir résulté en des difficultés financières qui ont laissé des traces judiciaires et notariales. On trouve, en effet, mention du terrain dans une des ventes judiciaires du shérif du district de Terrebonne, Germain Raby (No 58), et ensuite dans sa revente aux commissaires (devant le notaire Lefebvre de Bellefeuille, No 1338) entre 1860 et 1862. Est-ce que cet épisode a une quelconque relation avec la réorganisation de la municipalité scolaire annoncée au Journal de l’instruction publique, 1(11), 213 (1857)? Je n’en sais pas plus pour l’instant.

D’après une de ses ancienne étudiantes, dans les années 1940, l’école était divisée en deux: le petit coté (direction Ste-Monique) pour les élèves plus jeunes et le grand côté (direction St-Jérôme) pour les plus vieux. À l’étage, on trouvait les appartements pour les deux institutrices, une cuisine et deux chambres et un grenier, alors qu’à l’arrière, on trouvait les latrines et l’entrepôt à bois de chauffage.

Étage du bas. Coutoisie Simone Guay.
Étage du haut. Coutoisie Simone Guay.

Les recensements nous fournissent, par ailleurs, le nom de quelques-unes des  institutrices:

À ce moment-ci, je ne connais pas beaucoup d’autres détails à propos de cette école, si ce n’est qu’elle était encore ouverte au milieu des années 1940 et que l’édifice a été privatisée le 26 juin 1957.

Il faudra certainement consulter les archives de la commission scolaire de Saint-Jérôme pour en apprendre davantage ainsi que des sources plus générales (ou encore ici).


*Greffe de Me Melchior Prévost, acte No 1365, enregistré au registre BB au bureau d’enregistrement Argenteuil sous le No 5924, le 1850-07-10.

Rang ou Côte?

Dans ma jeunesse, ma famille a toujours fait référence au rang Ste-Marie. Ce fut donc une surprise de découvrir, à travers mes recherches, que le nom original du chemin de base était plutôt côte Ste-Marie.

Quand le nom a-t-il changé? À la construction du cadastre de 1861 pour moderniser, uniformiser ou corriger la terminologie? Ou à la fusion des villages qui forment Mirabel en 1971, afin d’éviter les doublons?  Ou à la construction de l’autoroute 50, qui coupe alors le chemin public en deux parties distinctes (et distantes)?

Je ne sais toujours pas la réponse, mais les actes notariés du 20e siècle suggèrent qu’aucune de ces hypothèses ne tient la route. En effet, dès décembre 1944, le notaire Gustave Léonard utilise le terme aux actes No 11959 et 11960, par lesquels Alexandre Charbonneau vend les lots 908 et 769 (au terrier des Sulpiciens) à ses fils Léopold et Aimé, respectivement. Le mystère perdure donc.

Le bureau d’enregistrement du comté de Deux-Montagnes

Le site internet du Registre foncier du Québec donne accès à une énorme quantité  de titres notariés (et autres) associés à l’immobilier dans la province. Cela inclut évidemment les ventes et donations de lots, mais également plusieurs contrats de mariage et testaments.

L’histoire officielle de ce registre suggère qu’il devrait être complet depuis 1841. Les premiers titres spécifiques au bureau d’enregistrement du comté de Deux-Montagne  (le Registre B) ne remontent cependant qu’à juin 1857. La première tranche d’actes se trouve plutôt au comté d’Argenteuil. À sa création (p .334), le bureau d’enregistrement de St-André (d’Argenteuil) fut en effet donné la responsabilité des deux seigneuries. Ce n’est qu’en 1857 que la responsabilité fut divisée, un bureau déménageant à Ste-Scholastique et l’autre à Lachute (p. 5). Le registre principal (le Registre BB), par contre, est demeuré à Argenteuil, où il est toujours indexé.

Certains actes manquent néanmoins aux registres. Par exemple, la vente de Jean-Baptiste Charbonneau à Samuel Charbonneau (lot 869 au terrier des Sulpiciens) le 19 juillet 1876, devant Melchior Prévost, n’a pas été enregistrée. Un bordereau de vente (No 20141 au Registre B) devant notaire confirme la transaction, a posteriori, au printemps 1896. Le système n’est donc pas sans faille.


En créant un compte au Registre foncier du Québec, il est possible d’obtenir la chaîne de transactions associées à un lot et de lire les actes correspondants de la fin du 19e siècle à nos jours.

Il faut tout d’abord identifier le numéro du lot, tel que défini au Complément du plan officiel de la paroisse (e.g., St-Jérôme, Ste-Monique, Ste-Scholastique et village)Ensuite, en appuyant sur l’onglet Consulter, puis sélectionnant l’Index des Immeubles, on obtient le formulaire suivant.

(Le lot 10 de la Paroisse de Saint-Jérôme contenue dans le comté de Deux-Montagnes correspond au lot 908 du terrier des Sulpiciens.) On obtient alors le document qui suit.

La colonne à l’extrême gauche rapporte le numéro d’enregistrement de l’acte concerné. Pour obtenir une copie de cet acte, il faut appuyer sur l’onglet Consulter, puis sélectionner Actes, radiations, avis d’adresse. On obtient alors le formulaire suivant.

Le résultat de la recherche apparaît en second lieux. De ce qui a été numérisé pour Deux-Montagnes, un seul acte porte l’inscription 5881 et il se trouve au Registre B. Appuyer sur Soumettre donne alors le texte de l’obligation de Jean Baptiste Charbonneau envers Robert Langdell.

Les transcriptions incluent souvent une référence à une quittance en marge du texte. La numérotation de ces radiations est toutefois distincte de celle des actes, et le registre qui les contient n’a pas (encore) été numérisé.

L’index des immeubles ne contient pas toujours l’entièreté de l’historique des titres enregistrés depuis la création cadastre en 1860, malgré ce que suggère les sources officielles. Pour le lot 29 de la paroisse de St-Jérôme, par exemple, l’index débute en 1900. L’acte de 1868 enregistré sous le numéro 6134 (au Registre B) n’y est pas mentionné.

Afin d’extraire davantage d’information du registre foncier, il faut consulter l’index des noms. Jusqu’à la fin du 20e siècle, ce registre était disponible sur papier uniquement, mais les multiples volumes qui l’abritent ont depuis été numérisés. Pour les consulter, il faut appuyer sur l’onglet Consulter, puis sélectionner Index des noms/Zonage agricole pour obtenir le formulaire suivant.

Cette recherche est un peu plus difficile à maîtriser, mais les tableaux ci-bas, qui listent les volumes pertinents pour la période pré-1914, aident à y voir plus clair. Tout n’est pas simple pour autant. En plus des registres d’Argenteuil,  il faut considérer les volumes supplémentaires 9990X, qui couvrent des périodes apparaissant déjà à la série régulière. Pour l’instant, la raison pour cette superposition demeure mystérieuse, tout comme le système de numérotation des actes au volume 99903 de Deux-Montagnes.

Argenteuil

No volume Date début Date fin Nom début Nom fin
1 1842-01-01 1869-12-31 A Z
2 1854-01-01 1877-12-31 A W
99901 1834-01-01 1838-12-31 A W
99902 1834-01-01 1838-12-31 B W
99903 1842-01-01 1867-12-31 A Z

Deux-Montagnes

No volume Date début Date fin Nom début Nom fin
1 1857-01-01 1866-12-31 A Z
2 1866-01-01 1874-12-31 A Y
3A 1874-01-01 1914-12-31 A L
3B 1874-01-01 1914-12-31 L W
99901A 1882-01-01 1901-12-31 A L
99901B 1882-01-01 1901-12-31 L W
99902 1902-01-01 1914-12-31 A Y
99903 1883-01-01 1886-12-31 A W

De cette manière, on peur localiser au volume 2 l’entrée pour l’acte No 6134 (au Registre B), qui fait référence à une transaction entre Jean Baptiste Charbonneau, père, et Jean Baptiste Charbonneau, fils, sur un lot situé dans la paroisse de St-Jérôme. Toutefois, le travail nécessaire pour identifier les actes pertinents sans autre information est fastidieux et peut nécessiter plusieurs essais et erreurs.


Le coût de chaque consultation au registre foncier est de 1$. Ce ticket modérateur limite la possibilité d’atteintes massives à la vie privée. Et puisque les principaux utilisateurs de ce service sont les notaires, leurs clients absorbent aisément ce modeste coût. Pour la recherche historique et généalogique, par contre, ce ticket modérateur est un obstacle plus sérieux. Le volume d’actes à consulter dans ces situations peut en effet être important. Suivre les allers-retours de ma famille sur le rang Ste-Marie, par exemple, a coûté plus de 50$.

Sachant que la BAnQ a numérisé une quantité remarquable d’actes notariés des 18e et 19e siècles et que l’Univers culturel de St-Sulpice est à la recherche d’un financement pour numériser leurs terriers et de les rendre accessible à tous, ce tarif semble aller à contre courant. Même le terrier de Domptail Lacroix se détaille pour moins de la moitié de ce montant par page. Une solution mitoyenne serait d’éliminer toute charge pour la consultation d’actes de plus de 100 ans. Même une fenêtre de 120 our 150 ans serait plus raisonnable que le système actuel. Mais à qui se plaindre?


Je tiens à remercier chaudement ma belle-mère notaire et MG Vallières de m’avoir guidé à travers différentes étapes de cet apprentissage. Les erreurs et opinions demeurent néanmoins ma responsabilité entière.

 

La première auto du rang Ste-Marie

L’historien Réjean Paquin a un temps tenu la chronique L’Auto-Rétro: l’ère de l’automobile dans L’Écho du Nord (publié à St-Jérôme de 1935 à 2014). Dans l’édition du 10 avril, 1985 (p. 52), il y présente la Première auto du Rang Ste-Marie à Saint-Jérôme. Il s’agit d’une Ford 1908, “Touring”, propriété de Pierre Jérôme, qui est également propriétaire des lots 872-873 au terrier des Sulpiciens. L’article est accompagné d’une photo historique de la voiture. L’impression du quotidien est de qualité médiocre, mais le fonds Réjean Paquin à la Société d’histoire de la Rivière-du-Nord en contient une copie plus détaillée de la photo (ainsi que les notes manuscrites prises par l’auteur au cours de ses recherches).

Voiture Ford 1908 de Pierre Jérôme avec (à l’avant) Albert Jérôme, son fils, et sa “blonde” Rosanna Charbonneau (mariés en 1920) et (à l’arrière) Alexandre Charbonneau et Rosanna Jérôme (mariés en 1912). La cinquième personne (en partie dissimulée) à l’arrière n’est pas identifiée dans l’article, mais pourrait être Blanche Jérôme. Collection André Charbonneau.

Ma famille ayant récemment hérité d’une version carte postale de cette photo, j’ai pu retravailler l’image un peu. D’après l’article, la photo date de 1915-1920 et quatre des cinq passagers sont identifiables. La comparaison avec des photos contemporaines*  (cf. tableau ci-bas) et la consultation de Michel Charbonneau (fils d’Alexandre, le 14 janvier 2020) valide l’essentiel de l’information.  Rosanna Charbonneau est clairement à l’avant. On peut raisonnablement croire qu’Albert Jérôme l’accompagne, puisqu’ils se marient en 1920, mais la physionomie de ce dernier m’est par contre inconnue. À l’arrière, les deux passagères sembles être des fille Jérôme, peut-être Rosanna et Blanche (à droite?). L’homme entre les deux est clairement Alexandre Charbonneau, bien qu’il semble un peu plus vieux que dans sa photo de 1920.

Nom 1912 Auto 1919 1920
Alexandre

Charbonneau

Rosanna

Jérôme

Rosanna

Charbonneau

Blanche

Jérôme

Pour déterminer plus précisément l’année à laquelle cette photo a été prise il faudrait davantage de photos d’époque et probablement en apprendre plus sur l’immatriculation de la voiture. Le plus récent ouvrage de Guy Thibault pourra peut-être aussi aider.


* Origine des photos: 1912, mariage d’Alexandre Charbonneau et Rosanna Jérôme; vers 1919 (ou plus tôt), famille Odile Charbonneau; 1919, mariage de Blanche Jérôme et Wilfrid Lalande; et 1920, famille Alexandre Charbonneau. Collection André Charbonneau.

 

Le Terrier: autres leçons

Voici, en vrac, quelques leçons apprises du Terrier de la Seigneurie du Lac-des-Deux-Montagnes.

  • Comme toutes les autres resources cadastrales, le Terrier contient plusieurs erreurs de nom, date, notaire ou autres, en plus d’omettre certaines transactions. La superposition des resources permet souvent de résoudre les conflits. Les quittances, inventaires, transactions suivantes, etc. deviennent alors particulièrement importants.
  • L’ensaisinement (au sens de leur enregistrement auprès des Seigneurs) des actes peut parfois avoir lieu plusieurs années (voire décennies) après la signature des actes eux-mêmes. Les Seigneurs n’avaient donc apparemment pas accès à un instantané de l’identité des leurs tenanciers.
  • Sans surprise, les notaires Girouard et Raizenne ont traité un bon nombre de transactions sur les terres de cette seigneurie. Le Terrier est donc un outil essentiel pour tenter de reconstruire leurs greffes.
  • Certains lots ont été transmis par règles de succession de base, sans aucun acte notarié. Le lot 871, par exemple, a changé de main plusieurs fois entre 1814 et 1849, sans laisser aucune trace notariale. Le Terrier, heureusement, offre la séquence de transmissions et quelques explications. En couplant celles-ci à l’information généalogique traditionnelle, on peut alors reconstruire une chaîne de transmission plus ou moins exacte.
  • Les emplacements ne semblent pas intéresser les Seigneurs. Seules les transactions sur de grands pans d’un lot ont été ensaisinées.
  • D’autres suivront certainement.

La Chapelle

Les terres de la côte Sainte-Marie se terminent au chemin qui mène à la Chapelle, située au bord de la Rivière du Nord. Dans ce modeste lieu, la messe fut régulièrement prononcée jusqu’en 1839. Dès 1807 (cf. Gagnier, No 5321, 7 janvier 1807), Dumont permet aux censitaires des Mille-Isles environnant d’utiliser le moulin seigneurial pour y célébrer la messe, plutôt qu’à Ste-Anne-des-Plaines, qui normalement dessert cette communauté. Une partie des habitants de la  Seigneurie du Lac-des-Deux-Montagnes se joignent présumément aux célébrations. Cela donne éventuellement lieu au découpage de la paroisse de St-Jérôme partagé par deux Seigneuries. Les sources primaires ou même secondaires sur cette Chapelle m’échappent toutefois. Je dois donc pour l’instant me replier sur ce qui suit:

Ce n’était qu’une simple mission desservie par le Curé de Ste-Anne des Plaines qui venait dire la messe dans une humble chapelle construite sur les bords de la rivière du Nord. […] La mission de La Chapelle connue sous le vocable de St-Jean-Chrysostome, est devenue, en 1834, la paroisse de St-Jérôme et fut desservie par le Curé de Ste-Anne des Plaines jusqu’à l’année 1837, à l’arrivée du premier curé résidant, M. Étienne Blyth. Le petit village de Lachapelle n’avait que comme constructions trois bâtisses : la mission, le presbytère et le comptoir de M. Casimir-Amable Testard de Montigny établi pour la traite des pelleteries avec les Iroquois du lac des Deux-Montagnes qui venaient faire la chasse.

Et aussi:

  • On ignore si des offices religieux ont été célébrés au moulin, mais nous savons que Jean-Baptiste Hardy, colon de la Rivière-du-Nord, fit don d’une parcelle de terrain en 1818 sur laquelle on y bâtit une petite chapelle.
  • L’abbé Pierre Grenier fut ainsi le premier officiant à la Chapelle de 1818 à 1823.
  • Le deuxième officiant fut l’abbé Isidore Poirier ( 1823-1837 ).
  • Le troisième officiant fut le curé Étienne Blyth ( 1837-1840 ). […]Il prodigua son ministère à la Chapelle jusqu’à l’été de 1839. Dès son arrivée, il ouvrit des registres paroissiaux. On dénote un premier baptême, celui d’une petite fille, en date du 23 janvier 1837.
  • La célébration des offices cessa en 1839 lors de l’ouverture de la première église de Saint-Jérôme, sise dans l’actuel parc Labelle.
  • Quelques vestiges calcinés furent découverts lors des fouilles archéologiques de 1996.

La Prairie de Joseph Turgeon

Photo aérienne de la Prairie de Joseph Turgeon en 1950. L’orientation des subdivision du lot contraste clairement avec celle des terres avoisinantes.

La concession des Messieurs de St-Sulpice à Joseph Turgeon, notaire de Terrebonne (et père du patriote Joseph-Ovide Turgeon),  se situe à la limite nord de la côte Ste-Marie. La taille, forme et localisation de ce super lot de 20×24 arpents, qui chevauche deux seigneuries, m’ont longtemps intrigué. L’information à son sujet, par contre, ne court pas les rues.

Mes premières rencontres avec La Prairie de Joseph Turgeon se firent dans des actes notariés de lots limitrophes, à l’extrémité de la côte Ste-Marie. La prairie, par contre, n’apparait pas à la carte du comté de Deux-Montagnes ni au Complément du plan officiel de la paroisse de Saint-Jérôme, comté des Deux-Montagnes, qui m’ont servi de guides pour ces concessions.  Avec le temps, diverses ressources ont éclairé peu à peu le contexte géographique, notamment une carte des territoires agricoles et le travail de Dessureault sur la seigneurie du Lac-des-Deux-Montagnes. L’entité demeurait toutefois toujours nébuleuse.

Le terrier de la Seigneurie du Lac-des-Deux-Montagnes fournit plus de contexte. Le lot entier, au numéro 920, y est dit avoir été concédé le 3 octobre 1793, bien que l’acte devant le notaire Louis Chaboillez n’ait été passé que que le 28 février 1806. Joseph Turgeon a entre temps subdivisé le super lot et l’a revendu en lots de tailles plus communes (en 1801 devant le notaire Jacques Default), incluant une promesse de rente envers Turgeon.  Les sous-lots sont alors désignés de A à E, tels que notés au plan de Louis Guy.

Limite nord de la côte Ste-Marie (lots 840-910) et la prairie de Joseph Turgeon (A-E), tels que représentés au plan de Louis Guy. L’orientation de la carte correspond à celle-ci. Notez l’inversion horizontale des inscriptions.

Le terrier explique ce qu’il est ensuite advenu de ces terres.

En conséquence de l’accord entre le Séminaire et les Seigneurs des Mille-Isles, en date du 19 septembre 1834 (Nre Lacombe) il a été tiré en 1835 un nouveau cordon qui coupe une partie des terres de la Rivière du Nord et de la côte St-Nicolas. Pour éviter aux censitaires la difficulté de payer à deux Seigneurs, les terres ont été partagées entre les Seigneurs, de manière que toutes celles lavées en jaune sur le plan, payeront en entier aux Seigneurs des Mille-Isles et toutes celles lavées en bleu sur le plan, payeront en entier au Séminaire. Voyez le partage fait le 30 octobre 1837 (Nre Lacombe).

Clairement, cet échange vise à résoudre les derniers aspects du conflit centenaire entre les Seigneurs de la région*.  Le greffe de Lacombe n’étant pas numérisé, les détails des ces arrangements et l’identification du plan concerné restent à explorer. Cela dit, plusieurs autres questions persistent. In particulier, pourquoi Joseph Turgeon se fait-il concéder une si grande étendue, si tôt dans la colonisation de la seigneurie? L’association seigneuriale des prairies était-elle volontairement précaire? Sinon, comment expliquer leur étrange découpage? D’un point de vue plus écologique, pourquoi ces terres étaient-elles en prairie avant même leur colonisation?

* G. Lalande, Une Histoire de bornage qui dure près d’un siècle, Cahiers d’histoire de Deux-Montagnes, 3(4), 1-26 (1980).

Fin de la Côte Ste-Marie

Le bout de la côte Ste-Marie, là où la seigneurie du Lac-des-Deux-Montagnes prend fin et celle des Mille-Isles commence, m’a toujours semblé mystérieux. Non seulement s’y trouvent la prairie de Joseph Turgeon (à l’histoire complexe) et (le chemin de) la Chapelle, mais l’organisation même des terres proprement concédées est source de confusion. Les terres de la fin de la côte sont bordés de deux grandes lignes seigneuriales qui s’entrecoupent à angle obtus, ce qui donne lieu à des lots de forme irrégulière. Ces lots ont par ailleurs été subdivisés, et les actes qui en décrivent le processus offrent peu de précision, quand ils ne sont pas simplement manquant. Bien que le terrier des Sulpiciens n’ait que principalement confirmé l’information déjà en main à propos des ces lots, j’en ai néanmoins obtenu une confiance accrue, ce qui m’a permis d’oser tester quelques hypothèses cadastrales.

Concessions de l’extrémité nord de la côte Ste-Marie. Chaque concession originale (nombre encerclé) est d’une couleur différente. Le médaillon 910 sur le lot vert est donc une erreur du plan.

Après plusieurs essais et vérifications, j’en suis venu à la conclusion que le problème principal est le Complément du plan officiel de la paroisse de Saint-Jérôme, comté des Deux-Montagnes et la liste de propriétaires qui l’accompagne. La concession 910 n’est pas simplement l’entièreté est de la côte au delà du Lot 909, tel que le suggère le plan officiel, mais n’est que six arpents de large. Initialement, les concessions du côté ouest, les Lots 875, 876 et 877, terminent donc aussi le côté est de la côte. Ce n’est qu’au cours du temps que ces lots ont été subdivisés plus nettement de part et d’autre du chemin du roi. (Le fait que le chemin de base de la côte Ste-Marie n’était peut-être pas complet au moment de la concession des terres ne facilite pas la distinction entre l’ouest et l’est de la côte au moment de la concession.) Au surplus, le document manuscrit qui accompagne ce plan n’indique pas correctement les propriétaires des lots 909 et 910. Cette erreur est d’autant plus choquante que le reste de l’énumération semble bien faite.

Cette interprétation des concessions clarifie de beaucoup la relation entre les terres du bout de la côte et celles de la prairie de Joseph Turgeon. L’organisation de cette dernière sera d’ailleurs le sujet d’une entrée ultérieure.