Le rang Sainte-Marie (ou Côte Sainte-Marie, d’après son nom d’origine) fait partie du plan d’expansion de la seigneurie du lac Deux-Montagnes à la fin du 18e siècle. Le cadastre primitif (ou terrier) de Louis Guy (daté de 1798) est clair sur la question. Bien que le procès-verbal de l’arpenteur de Jean Gaudet, daté du 11 octobre 1804 soit perdu, les actes de concession des années qui suivent indiquent par ailleurs des visées expansionnistes. L’arrière des terres occidentales à la côte seront concédées, le temps venu.
Le projet prend tout de même près de soixante ans à se réaliser. La côte est en effet persillée de ruisseaux. Une carte de 1861 dénote clairement les divers embranchements et divers travaux d’infrastructure tenteront d’en contrôler le cours (entre autres, un procès-verbal du 6 juin 1826 devant le notaire Globensky et un autre du 25 avril 1868 devant le notaire Hervieux). Ce ne sera donc que vers la fin des années 1860 que les terres de la Côte Saint-Dominique ne seront concédées, d’après un procès-verbal d’arpentage de 1863.
Le rang Sainte-Marie est par ailleurs un espace liminal. Il se situe à la frontière entre la seigneurie du Lac-Des-Deux-Montagnes et celle de Blainville, ce qui donne aux terres situées à son extrémité nord une certaine irrégularité. La “prairie de Joseph Turgeon” (notaire de Terrebonne à fin du 18e siècle) est fréquemment citée comme étant la frontière de ces terres et semble donner devenir, après la mort de ce dernier, une concession en elle-même.
Le rang est également à la frontière pour ce qui est de l’établissement des paroisses au 19e siècle. À leur concession, en 1804-1806, les propriétaires sont associés à la paroisse de Saint-Benoit, mais avec la fondation de la paroisse de Sainte-Scholastique, en 1825, le rang est englobé par cette dernière. Lors des l’officialisation du découpage en 1834, par contre, le rang est scindé en deux. Le tiers nord se trouve rattaché à la paroisse de St-Jérôme, alors que la partie sud demeure associée à celle de Sainte-Scholastique. Les terres les plus au nord étaient en effet beaucoup plus proche du village de la chapelle (avant la construction de l’église à Saint-Jérôme), au bout de la montée du même nom (aujourd’hui Montée Guénette) que du village. La formulation même du décret d’érection et la frontière légèrement irrégulière entre les deux paroisses suggèrent que les cultivateurs aient pu s’exprimer assez fortement à ce sujet. Au moment de l’érection de la paroisse de Sainte-Monique en 1870, cette division devenue de ce fait archaïque est tout de même enchassée dans les registres. Les autorités religieuses et administratives se chevauchent donc sur le rang depuis ses début.
Au 20e siècle, le rang est complètement disloqué par le développement. La bretelle d’accès à la 50 fait une mince coupe aux terres du nord-est du rang avant de couper directement à travers ses terres agricoles, alors que la construction de l’aéroport de Mirabel fait une ponction substantielle. La cassure est si profonde que la partie sud qui subsiste en a perdu son nom, s’appelant aujourd’hui le rang Lecompte. Le poème Rang Ste-Marie de Pierre Nepveu (du recueil Lignes aériennes) relate cette extraction forcée qui mit fin à plus de 165 ans d’agriculture sur une bonne partie du rang comme laissant “l’homme pantois au bord du fossé, seul avec ses rêves de récoltes et son mal de source vaine et de fraises avortées”.
Une croix de chemin sur la Montée Guénette se trouve toujours au bout du rang.