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Cercle artistique, 27 rue Chérif – دائرة الفن ٢٧ شارع شريف

Qui sait encore que les quartiers neufs du Caire voulus par le khédive Ismaïl ont compté en leur centre un hippodrome, dont on peut discerner l’emprise sur la carte de Grand bey publiée dans le précédent billet consacré à la villa Delort de Gléon. Des spectacles équestres, ouverts à tous publics,  y prirent place entre 1870 et 1881, mais le divertissement populaire fut de courte durée puisqu’en 1881 les terrains délimités par les rues Qasr al-Nil, al-Maghrabi, Imad al-Din et Cherif furent lotis.

L’une des premières constructions édifiées à l’emplacement de l’hippodrome fut réalisée par Alphonse Delort de Gléon, déjà rencontré dans un précédent billet; son nom figure sur la plaque de fondation, en arabe, apposée sur la façade du petit édifice, qui survit tant bien que mal au 27 rue Cherif.  Delort de Gléon ajoutait ainsi une nouvelle pierre au petit empire, financier, industriel et artistique, qu’il avait établi au Caire.

Détail de la carte de Grand Bey, 1874

 

Détail de la carte “Nouveau Plan du Caire,” 1886.

 

Destiné à servir de cercle, c’est-à-dire de lieu fournissant salons et hébergement temporaire à ses membres, l’édifice possédait aussi une scène de théâtre et des tables de jeux. Sous le nom de Cercle artistique, il abrita à partir des années 1890 le Salon annuel de peinture qui se tenait durant le mois de Ramadan.

Vendue par la famille Delort de Gléon au banquier et célèbre antiquaire Maurice Nahman (1868-1948) en 1914 (celui-là même qui inspira le personnage d’Ayoub dans le film al-Mummia de Shadi Abdelsalam, 1969), l’adresse devint durant l’entre-deux-guerres le point de passage obligé des amateurs et conservateurs d’antiquités égyptiennes du monde entier, qui sont nombreux à avoir laissé leur signature sur son livre d’or.

Désaffecté et cadenassé depuis les années 1980, ce haut lieu de l’art et du commerce de l’art au Caire est protégé depuis 1995 par décret du ministère des Antiquités. Il se murmure que des trésors sont enfouis dans ses murs, et cette conviction explique sans doute, mieux que toute autre considération, cette décision inattendue.

Sources

L’image: Édouard Laussac de la Garenne, L’Égypte fantaisiste, Alexandrie, supplément de la Correspondance
égyptienne, 1897, p. 246.

Émile Béchard, Album photographique comprenant soixante et une vues exécutées d’après les constructions élevées au nouveau Caire sous le règne de S. A. le Khédive Ismaïl-Pacha, Le Caire / Paris : A. Lenègre, 1874 ; Maurice Nahman visitor book (1918-1977), Brooklyn Museum libraries ; Frederik Hagen and Kim Ryholt, The Antiquities Trade in Egypt 1880-1930, The H.O. Lange Papers (Copenhagen: Royal Danish Academy of Sciences and Letters, 2016), 83-85, 253-56 ; Samir Saul,  La France et l’Egypte de 1882 à 1914 : intérêts économiques et implications politiques. Paris: Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1997 ; Mercedes Volait, “27, rue Madabegh : une mémoire presque enfouie de la vie artistique du Caire d’antan,” In Étudier en liberté les mondes méditerranéens : mélanges offerts à Robert Ilbert, edited by Leila Dakhli and Vincent Lemire (Paris: Publications de la Sorbonne, 2016), 179-188 ; Mercedes Volait, “27 Madabegh Street : Prelude to an Art Movement,” Al-Rawi, issue 8. (M.V.)

 

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