La numérisation continue de documents visuels sur Le Caire moderne, que ce soit par des institutions publiques ou par le marché, enrichit chaque jour un peu plus la connaissance que l’on peut avoir de son paysage bâti historique. L’apport est parfois indirect. C’est par le truchement d’une plaquette présente sur une plateforme de ventes en ligne qu’a pu être exhumée une documentation insoupçonnée sur l’architecte allemand Johann Adam Rennebaum (1858-1937) qui travailla plus de 50 ans en Égypte à partir des années 1890 (Ibrahim, 2019, p. 11). La contribution est le plus souvent directe par l’apparition en ligne de sources visuelles ou textuelles jusque-là inconnues.
Ces sources inédites ne sont pas toujours faciles à manipuler. Elles sont par essence éphémères puisque les pages en ligne ont une durée de vie moyenne de l’ordre de 90 jours. Les images sont parfois très sommairement légendées, ou renvoient à des localisations ambiguës. Le cliché intitulé « Egypte, Caire, Hôtel Continental » offert à la vente depuis mai 2024 (Fig. 1) appartient au second cas de figure.
Fig. 1. Zangaki, Hôtel Continental, tirage albuminé mis en vente en ligne.
Fig. 2. Hôtel Continental, Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, EI-182, https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53120089f/f2.item.r=%22Le%20Caire,%20H%C3%B4tel%20continental%22
Deux hôtels au moins portant ce nom ont existé en des lieux différents de la ville. Le plus connu faisait face aux jardins de l’Azbakiyya (Fig. 2). C’est ce dernier que l’entreprise publique EGOTH (Egyptian General Co. For Tourism and Hotels) a quasiment entièrement démoli, en 2018, après l’avoir vidé de ses occupants, pour le reconstruire prétendument à l’identique et en faire un nouveau palace en plein cœur d’une frange déclassée du centre-ville– on appréciera la Bentley au centre de l’image (Fig. 3).
Fig. 3. Projet d’EGOTH pour la reconstruction de l’hôtel Continental placardée sur le mur d’enceinte du chantier. Cliché de l’auteur.
Seul le croisement des annuaires et des cartes historiques mises à disposition sur Gallica et al-Madaq, et la mise en relation avec d’autres photographies (en l’occurrence le cliché n° 1400 de l’atelier Bonfils), permet d’identifier où se trouvait le premier. La façade d’angle qui figure au premier plan de la Fig.1 dévoile l’entrée latérale de l’hôtel sur la rue Gawad Husni, alors que le cliché Bonfils montre la façade principale sur la rue Qasr al-Nil. L’édifice prend place sur les terrains de l’ancien hippodrome du Caire et sa construction est donc postérieure à 1881, date à laquelle cet établissement avait été démoli puis loti. On aperçoit à l’arrière-plan une annexe portant le nom de l’hôtel, peut-être construite dans un second temps, à moins que ce ne soit l’inverse.
C’est pour faciliter la localisation de la documentation visuelle sur Le Caire khédivial qu’a été créé le site « Édifices et ouvrages d’art du Caire moderne (XIXe- XXe siècles) : un atlas visuel ». 479 vues historiques du Caire, issues du fonds Karkégi et mises à disposition sur Gallica et Persée, y sont à l’heure actuelle géolocalisées.
Sources:
Tarek Ibrahim, Shepheard’s of Cairo: the Birth of the Oriental Grand Hotel, Wiesbaden: Reichert Verlag, 2019.
(M.V.)
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