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Les plaques de rue du Caire – الواح الشوارع في القاهرة

 

Fig. 1. Plaque du 13 rue Šanan. Cliché M. Volait, 2024. https://doi.org/10.34847/nkl.b8bc0320

Le numéro 13 de la rue Šanan conserve l’une des plus anciennes plaques de rue du Caire (Fig. 1). Elle correspond à celles qui sont posées en application d’une décision du service de la voirie (Maǧlis al-Tanẓīm) dont rend compte al-Waqā’i‘ al-Miṣriyya dans son numéro du 11 mai 1847 (WM, n°64, 1847).

Il s’agit d’écrire le nom des rues (…) à des emplacements appropriés, aux angles qu’elles forment, et de numéroter les maisons « grandes ou petites » par des plaques posées au-dessus de leurs portes « comme cela se fait en Europe » pour qu’il « soit facile à tous, habitants du pays ou étrangers, de trouver une ruelle ou une maison ». L’opération procèdera de rue en rue, les rues sud-nord portant des plaques écrites en noir sur fond blanc dans un cadre noir, les rues ouest-est portant des plaques inscrites en rouge sur fond blanc dans un cadre rouge, en sorte que l’on pourra « d’un seul coup d’œil » savoir où l’on est. Puis on numérotera les immeubles « un à un », les numéros pairs étant à gauche et les impairs à droite. Les numéros seront inscrits au-dessus des portes dans la mesure du possible ou sur les murs à 2m50 de hauteur et ils suivront le même code couleur que les plaques des rues. Le service des bâtiments (Dīwān al-Abniya) et la préfecture de police (al-Ḍābiṭḫāna) sont chargés de fournir les sculpteurs et les agents nécessaires à l’exécution des travaux.

Les premiers noms de rue, inscrits aux angles des voies les plus importantes ou sur les monuments les plus remarquables, étaient sculptés sur pierre. On en connait quelques exemples par une photographie de Facchinelli pour la rue de la Citadelle (Fig. 2) ou par les travaux de Ḥasan ‘Abd al-Wahhāb (‘Abd al-Wahhāb, 2018) et Ayman Fu’ād Sayyid (Fu‘ad Sayyid, 1988). L’une d’elle est encore conservée sur le Sabil du Sultan Muṣṭafā à Sayyida Zaynab. Outre le nom de la voie, gravé dans un cadre rectangulaire, ces inscriptions comportaient aussi dans un cadre circulaire ou ovale celui de la rue avec laquelle elle faisait angle : Šāri‘ al-Qal‘a/al-‘Ataba, par exemple, pour la photographie de Facchinelli ; Šāri‘ al-Sayyida Zaynab/Darb al-Ǧamāmīz pour la plaque posée sur la mosquée Qarāquǧa al-Ḥasanī ou Sāri‘ al-Sayyida Zaynab/Dil‘ al-Samaka pour celle du Sabīl du Sultan Maḥmūd, reproduites par Ayman Fu’ād Sayyid (1988, p.58-59).

Fig. 2. Beniamino Facchinelli (1839-1895), « Vue perspective de la rue de la Citadelle », InVisu, CNRS, “Vue perspective de la rue de la Citadelle,” Le Caire photographié par Facchinelli, consulté le 27 mai 2024, http://facchinelli.huma-num.fr/items/show/371

 

Le 29 juin, al-Waqā’i‘ al-Miṣriyya publie la liste des quinze premières rues équipées (WM, n°73, 1847). Elles se distribuent à partir de Bāb al-Ḫarq, considérée comme le centre du Caire « partagé en son milieu par le Ḫalīǧ » (article1). Mais ces résultats montrent que « le mouvement incessant des gens dans ces rues, le passage d’animaux lourdement chargés et de voitures » gênent le travail des artisans et que la sculpture de ces inscriptions, simples mais exécutées avec soin, prend trop de temps. Il est alors décidé que les noms seraient désormais inscrits sur des plaques (alwāḥ) que l’on fixerait ensuite aux murs avec des rivets et que, les rues comptant souvent un grand nombre d’immeubles, on inscrirait les numéros des maisons sur des plaques comportant également le nom de la rue pour que l’on sache toujours à quelle rue le numéro se rapporte.

C’est à cette seconde phase que se rattache la plaque du 13 rue Šanan. Située à l’est du Palais de ‘Abdīn, dans le prolongement de la rue Šaqq al-Ṯa‘bān avec laquelle elle est longtemps confondue et comme elle d’orientation sud-nord, la rue Šanan a pris le nom du fondateur de la mosquée voisine, Aḥmad Katḫuda Šanan. Cette petite mosquée, datée de 1217/1803 par une inscription de fondation, abrite aussi le tombeau du cheikh Muḥammad Abū Dir‘ et elle est appelée tantôt Masǧid Abū Dir‘, tantôt Masǧid Šanan. Le numéro 13 était à l’origine un sabīl, relevant peut-être du même waqf que la mosquée, administré encore, dans les années 1880, par un descendant du fondateur, Tūman efendi Šanan (‘Alī Mubārak, 1888-1893). Il était adossé à une grande maison avec jardin dont on peut supposer qu’elle appartenait au gérant. Comme la fontaine, elle a aujourd’hui disparu et seule la plaque apposée en 1847 en conserve la trace.

Références

Al-Waqā’i‘ al-Miṣriyya, n°64, 25 ǧumādā I 1263/11 mai 1847, p. 1, col. 2

Al-Waqā’i‘ al-Miṣriyya, n°73, 29 raǧab 1263/29 juin 1847, p. 1-2.

Ḥasan ‘Abd al-Wahhāb, Taḫṭīṭ al-Qāhira wa-Tanẓīmhā munḏu naša’athā, Le Caire, Wikālat al-Ṣiḥāfa al-‘Arabiyya, 2018 (nouvelle édition).

Maryse Bideault, Thomas Cazentre, Jérôme Delatour et Mercedes Volait, Le Caire sur le vif : Beniamino Facchinelli photographe (1875-1895), catalogue d’exposition (Paris, INHA, galerie Colbert, salle Roberto Longhi, 21 avril-8 juillet 2017), Paris, France : INHA, 2017, p. 6, fig. 1.

Ayman Fu’ād Sayyid, Waṣf Madīnat al-Qāhira wa-Qal‘at al-Ǧabal [trad. de F.-E. Jomard, « Description de la Ville et de la Citadelle du Kaire » in Description de l’Egypte], Le Caire, Maktabat al-Ḫanǧi, 1988.

‘Alī Mubārak, al-Ḫiṭaṭ al-Tawfīqiyya al-Ǧadīda, vol. III, p. 86 et VI, p. 33.

Survey of Egypt, Town Series, 1/500, Block 179.

(Gh.A.)

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