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Bazar Murur – بازار مرور

Ayant longtemps marqué l’entrée du Muski (voir ce billet), le « Bazar Mourour » [fig.1] ne doit pas son nom à l’idée de « passage » en tant que « quintessence des espaces commerciaux islamiques », ainsi que cela a pu être récemment affirmé (Reynolds, p. 35). Murūr fait ici référence à l’Administration du Transit (diwan al-murur) pour laquelle le bâtiment avait été construit en 1859 à ce qui était alors l’entrée de la ville (Papiers Karkégi). Le bâtiment perdit sa fonction première lorsque cette administration fut délocalisée sur les bords du Canal de Suez ; il abrita un marché aux fruits et légumes jusqu’à la construction du marché voisin de Ataba en 1891 (AlSadaty et al., 2020).

 

Fig. 1. Source: Photographies sur les transformations urbaines du Caire entre 1849 et 1946

Dès 1872-1873, le célèbre ébéniste G. Parvis donne comme adresse commerciale « Cour Mourour » (Guide-Annuaire d’Egypte, p. 328), localisation qui fait vraisemblablement référence aux vastes ateliers adossés au Bazar Mourour qui figurent à son nom sur les plans Goad de 1905 [fig.2]. Les nombreux commerces de gros et de détail alors installés « Bazar Mourour » peuvent être répertoriés par les annuaires commerciaux. La plupart étaient tenus par des Arméniens, qu’il s’agisse de relieurs, d’horlogers, de tailleurs, de quincaillers spécialisés dans la vente de réchauds Primus, de marchands de tapis ou d’agents de compagnies maritimes (Indicateur égyptien Poffandi, 1891-1897). [fig.3]

 

Fig. 2. Goad maps, 1905 (Al-Madaq)

Comme beaucoup de bâtiments du Caire, le « Bazar Mourour » fut de courte vie : il fut emporté par le percement en 1925 de l’avenue du prince Farouk, aujourd’hui al-Gaysh. Mais comme souvent aussi, des traces survécurent. Lorsqu’à l’occasion de la préparation en 1945 de l’exposition « Le Caire d’antan », Richard Mosseri se mit en quête des vestiges du Bazar Mourour, il retrouva, scellée dans un pan coupé [fig. 1], la tête d’une des deux reproductions de la déesse-lionne Sekhmet qui avaient jusque-là signalé l’entrée des ateliers Parvis [fig.4].

 

Fig. 3. Bazar Mourour, Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, EI-182, collection Karkégi

C’est en revanche à l’hôtel Mariott qu’il faut se rendre pour pouvoir voir le premier meuble daté et signé de Parvis, le buffet commandé par le khédive Isma’il pour le pavillon vice-royal construit à l’Exposition universelle de 1867 à Paris (Volait, 2021), et découvrir au passage le poème que son panégyriste le cheikh Mustafa Salama al-Najjari (Mestyan, 2021) lui avait dédié. Par la toponymie et le fragment, l’histoire sans cesse en mouvement du Caire moderne continue ainsi à vivre pour qui a la patience d’en chercher, et plus encore d’en assembler, les traces.

Fig. 4. Bazar Mourour, Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, EI-182, collection Karkégi

Photographies sur les transformations urbaines du Caire entre 1849 et 1946 (https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10546945n/f14.item.r=Photographies%20sur%20les%20transformations%20urbaines%20du%20Caire%20entre%201849%20et%201946)

Aliaa AlSadaty et al.,  « Socio-spatial regeneration challenges in Attaba historic market, Cairo – Egypt », Journal of Humanities and Applied Social Sciences 2020 (pre-print) (https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/JHASS-11-2019-0078/full/html)

Nancy Reynolds, A City Consumed: Urban Commerce, the Cairo Fire, and the Politics of Decolonization in Egypt (Stanford: Stanford University Press, 2012).

Guide-Annuaire d’Egypte par François-Levernay (Le Caire : Delbos-Demouret, 1872-1873)

Indicateur égyptien Poffandi, éditions 1891, 1897

Adam Mestyan, Primordial History, Print Capitalism, and Egyptology in Nineteenth-Century Cairo, Muṣṭafā Salāma al-Naǧǧārī’s The Garden of Ismail’s Praise (Cairo: Publications de l’IFAO, 2021)

Mercedes Volait, Antique Dealing and Creative Reuse in Cairo and Damascus (1850-1890): Intercultural Engagements with Architecture and Craft in the Age of Travel and Reform (Leiden: Brill, 2021)

Goad maps, 1905 (Al-Madaq -https://www.almadaq.net/maps/)

Papiers Karkégi, dossier Ataba, Khazindar

(M.V.)

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