Le foot comme outil de mobilisation des jeunes algériens face à l’État

En cours mardi nous avons parlé de l’Algérie en tant qu’ancienne colonie française qui a gagné son indépendance suite à une guerre terrible ainsi que de la situation récente qui fait la une de l’actualité depuis quelques semaines. Historiquement, les joueurs de foot algériens ont été au centre de la décolonisation de l’Algérie en quittant la France et en formant une équipe nationale quatre ans avant la reconnaissance de l’indépendance. Aujourd’hui les jeunes sont mécontents avec l’État algérien dont ils considèrent être le fils de la France qui reste asservi aux anciens colonisateurs.

Quelques jours avant cette discussion j’avais lu un article très intéressant à ce sujet sur Médiapart intitulé ‘En Algérie, la contestation du stade à la rue’ dans lequel Romain Laurendeau explique la place importante du foot non seulement en tant que moyen de divertissement mais aussi comme outil de manifestation politique. Selon l’auteur, le foot est omniprésent dans ce pays, et sert comme passe-temps pour la jeunesse qui « s’ennuie et qui ne se reconnaît ni dans l’État, ni dans ses institutions ». En ce moment, alors que Abdelaziz Bouteflika refuse de quitter son poste en essayant de prolonger son mandat au-delà du terme prévu, les algériens se mobilisent sur les rues d’Alger de façon pacifique dans ce pays où il est quasi interdit de manifester. Le stade d’Alger devient aussi une fois par semaine un lieu de rassemblement et de démonstration où « les supporters chantent le chômage, la pauvreté, l’Europe où ils rêvent d’aller ». Je trouve particulièrement intéressant le fait que ces algériens critiquent leur gouvernement pour leurs liens étroits avec la France, mais en même temps souhaitent aller en France. Ceci m’a fait penser au livre ‘Le ventre de l’Atlantique’ dans lequel Fatou Diome montre le désillusionnement des africains qui quittent leurs pays natals avec l’espoir d’une meilleure vie en idéalisant l’Europe, seulement pour en réalité y trouver la misère et le racisme.

De plus, cet article décrit la manière dont le stade représente la liberté. Dans ce lieu les algériens sont capables de s’assembler pour défier « l’État ou les généraux qu’ils tiennent pour responsables de la ruine du pays ». En cours, nous avons parlé du fait que les supporteurs de foot sont à la fois déjà organisés et unis autour d’un but commun avec des chants et des valeurs, mais sont aussi habitués aux violences et à la présence policière, faisant d’eux des candidats parfaits pour commencer une révolution. Dans cet article, Laurendeau fait allusion au fait que l’État reconnaît le pouvoir du foot dans la politique. De ce fait, il explique « Si pendant des années, le pouvoir a instrumentalisé le football pour éloigner la population de la politique, aujourd’hui, l’outil lui échappe. Comme au temps de la colonisation, le stade est de nouveau un espace de consolidation nationale et de résistance ». C’est ainsi que lors des finales de foot, « l’État remplit un tiers du stade avec des officiels en uniforme » qui brandissent des drapeaux algériens. Pour conclure, la situation actuelle en Algérie témoigne du rôle important que joue le foot dans la politique.

Article de Romain Laurendeau sur Médiapart : https://www.mediapart.fr/studio/portfolios/en-algerie-la-contestation-du-stade-la-rue