Réussir est une révanche

Un motif intéressant que j’ai remarqué dans Le Ventre de l’Atlantique est le succès financier des gens qui ne sont pas bien intégrés dans leurs communautés. J’en parlerai en utilisant quelques exemples du livre.

Premièrement, considérons Salie, le personnage principal, qui bien sûr réussit dans la vie par rapport aux autres Sénégalais. Avant son succès économique, cependant, elle n’avait aucun succès social. Elle est née d’un amour illégitime et puis est rejetée et abusée par son beau-père. Sa mère ne la protégeait pas contre l’abuse ; alors, sa grand-mère l’a adoptée. Elevée par sa grand-mère, Salie occupait une place bizarre et atypique dans la famille sénégalaise. En plus, Salie ne s’intégrait pas bien avec les autres filles et femmes de sa communauté. Au lieu d’aimer le ménage, la cuisine, et le bavardage, elle aimait être seule pour lire, ce qui n’était pas normal à Niodior. Elle rebellait contre les normes en allant à l’école de Ndetare et apprenant à écrire. Puis, elle s’est mariée avec un Français au lieu d’avec un Sénégalais, est sortie pour aller en France, écrivait des livres, et continuait ses études. Par conséquence, elle possédait plus de sécurité financière que ses compatriotes à la fin, peut-être à cause de sa marginalité dans la société sénégalaise.

Puis, il y a le cas de Ndetare, le professeur et l’exilé. Il a dû menacer à quelque niveau aux normes de la société sénégalaise continentale, parce qu’il était considéré par le gouvernement ou par la communauté de mériter une expulsion. Dans ce sens, il ne s’intégrait pas bien dans sa patrie. Puis, à cause du fait qu’il était étranger à Niodior et tenait des opinions différentes, il ne s’intégrait pas non plus sur l’île. Mais peut-être à cause de ses différences, il se trouvait avec plus de succès que les autres de l’île. Il n’avait pas de famille à nourrir et n’en aurait jamais (qui marierait leur fille avec un homme étranger et non traditionnel ?), et il tenait un travail intellectuel avec un salaire régulier.

Enfin, Madické nous présente un autre exemple de ce phénomène. Madické était différent des autres avec le fait qu’il choisissait comme idole un footballeur italien, Maldini, quand ses amis du village choisissaient tous des joueurs français. Quand il y avait un match avec les Français contre les Italiens et les Italiens ont perdu, Madické se sentait isolé. Après le don de Salie pour ouvrir une boutique, il a pris son exclusion, l’a emballée en papier, et en a utilisé l’énergie pour réussir au projet de la boutique, tandis que ses amis continuaient à ne rien faire, voyant le football comme la seule route au succès.

Hors du livre, je trouve souvent ce même motif de la réussite malgré l’exclusion sociale. C’est souvent chez les immigrés où je le vois, comme quand ils ne se croient pas bien intégrés dans une société et donc travaillent fort pour y réussir, peut-être pour échapper aux stéréotypes. J’ai contribué moi-même à ce motif : je viens d’une ville où je diffère des autres avec ma religion et mes opinions politiques. Comme je ne m’y sentais jamais bien intégrée, je voulais toujours montrer que je suis aussi « légitime » qu’eux en réussissant à l’école et, plus généralement, à la vie. Réussir est comme une revanche contre ceux qui nous rejettent, ou comme une preuve que nous sommes aussi humains qu’eux.

One thought on “Réussir est une révanche”

  1. Je trouve cette interprétation intéressante – il est vrai que le motif de séparation d’une communauté apparaît souvent dans le roman. Quoiqu’il y ait des personnages qui réussissent en dépit de leur éloignement, il est nécessaire de considérer le personnage de Ndétare plus spécifiquement ; je pense qu’il faut le reconnaître comme un homme assez douloureux, un homme qui est trappé dans un communauté qu’il ne peut pas changer et avec un passé assez triste.

    Il y a une citation sur les pages 125-126 qui est important en considérant ce personnage. « Prisonnier, Ndétare l’était doublement : de cette île, qu’il lui était interdit de quitter, mais aussi de sa mémoire qui ne lui avait jamais donné le droit de vivre autre chose que sa mélancolie, depuis si longtemps. Seul, face à l’eau, il dérivait comme une barque vers la mer noire de ses souvenirs. » Ce passage s’agit de l’enfermement physique de Ndétare sur l’île de Niodior, mais il parle aussi de son enfermement mental. Les lecteurs apprennent l’histoire de son amour interdit et de son enfant perdu. L’une des raisons que Ndétare ne pourrait pas se marier avec son amante était le fait qu’il est étranger. Les parents de son amante avaient déjà choisi un mari pour elle. Ainsi, Ndétare est coincé dans un monde ou il est un étranger physiquement mais aussi mentalement.

    L’image qu’utilise l’auteur est celle d’une barque « vers la mer noire de ses souvenirs. » Le symbolisme de la mer, surtout de la mer Atlantique, se trouve partout dans le roman. La mer peut représenter la mystère d’un autre monde, ou plus concrètement, de France, l’espoir d’arriver à cet autre monde, le destin condamné des sénégalais en France, ou même le passé noire de Ndétare.

    Alors, bien qu’il soit correct que beaucoup de personnages réussissent à cause de leur séparation d’une certaine communauté, il faut ne pas oublier l’histoire complexe de Ndétare.

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