Stephen Smith est un journaliste spécialisé en études Africains, qui a travaillé comme rédacteur en chef d’Afrique pour des journaux Français prestigieux comme “Le Monde” et “Libération”. Il est l’auteur de livres et publications académiques sur l’anthropologie et l’histoire d’Afrique ainsi que consultant historique pour l’industrie cinématographique. Le film « Carlos », qui a gagné le Golden Globe pour meilleur film en langue étranger, est basé sur sa recherche. Depuis 2006, Smith est professeur d’études africains à l’université de Duke.
1. Est-ce que vous pouvez vous présenter brièvement ?
Je m’appelle Stephen Smith—et d’ailleurs là tout suite je le prononce à la française puisque pendant un assez longtemps. Je suis né au Connecticut, donc aux Etats-Unis. Mon père était américain, et ma mère allemande, et donc j’ai vécu assez longtemps à Paris ou chaque fois que j’ai décroché la téléphone il faut le dire « Stephen Smith » [en accent français] parce que si non, personne ne comprenait.
2. Quand est-ce que vous êtes venu a Durham?
Je suis venu ici pour la première fois en 2006. J’étais « Media Fellow », (mais) j’ai travaillé assez long temps comme journaliste, spécialisé sur l’Afrique pour « Libération » et ensuite pour « Le Monde », donc deux journaux quotidien Français. Ensuite, j’ai quitté – j’avais publié des livres, (et) je voulais être journaliste indépendant. Dans ce contexte là, j’étais invité ici pour six semaines comme « Media Fellow ». Je ne connaissais Duke aucun avant et je suis revenu comme « Visiting Professor » pour un semestre et par la suite on m’a proposé un contrat.
3. A quel âge avez-vous appris le Français?
Moi, j’ai commencé a apprendre le Français a l’âge de 27 ans, donc moi je n’avais aucune connexion familiale – je te disais, ma mère était allemande, donc, moi, j’ai parlé l’Allemand avec ma mère et l’Anglais avec mon père qui est mort assez rapidement… Et donc j’ai appris. Je suis arrivé à Paris à un âge assez avancé comme on vous dit toujours, on ne peut pas apprendre une langue correctement à un certain âge … je ne savais pas toujours du contexte .. et je me disais : bien sur, si j’étais, disons, médecin en apprenant le Français à un moment donné ça suffirait pour travailler comme médecin mais comme journaliste ça va être difficile.
Au départ je n’y ai vraiment pas cru, je pense que la compétence égale, un native speaker, un français de souche, serait toujours un meilleur journaliste. Mais en réalité quand vous êtes adulte, et vous apprenez une langue, chaque mot, vous le baptisé vraiment parce que contrairement à ce que vous faites quand vous êtes enfant où vous le respirez en quelque sorte dans les situations.
Quand vous êtes adulte vous réfléchissez à chaque mot est lié a une situation, et donc sous stress, sous la pression de la montre, moi, ça marche très bien dans une langue que j’ai baptisée, que j’ai appris comme un adulte puisque les mots me viennent très facilement puisque tout est construit. Rien n’est naturel.
4. Comment êtes-vous devenu intéressé par les études africaines ?
J’étais d’abord intéressé par l’Afrique avant d’être intéressé par les études africaines. Et en réalité je devais aller en ’75 pour une année en Chine, et ça ne s’est pas fait, et au dernier moment j’avais envie de prendre une année sabbatique. Je ne savais plus ou j’allais très bien avec mes études, et donc je suis parti à la dernière minute en Afrique subsaharien. Ce n’était pas mon idée, c’est l’idée de ma mère. Elle a dit « Si tu vas là-bas et puis tu reviens, tu saura ce que tu veux faire » et elle a eu raison. Donc je n’avais pas d’argent, n’avais pas de bourse, donc je devais travailler. C’est une année assez compliqué de ce point de vue, mais qui m’a rapproché de la réalité et quand je me suis revenu de là, je me suis dit que j’allais reprendre mes études, même spécialiser sur l’Afrique, et j’ai travaillé toute ma vie sur l’Afrique. J’ai écrit des livres, j’ai travaillé comme journaliste, j’ai écrit des scenarios pour des films, et j’enseigne comme professeur. Donc, le centre c’est l’Afrique et après la façon. J’essaie de réfléchir et de parler de l’Afrique, que ça soit dans un livre ou que ça soit dans une salle de classe, c’est me relativement indifférent. Je suis très content que je puisse faire ça ici à Duke, bien sur. C’est un département que, vraiment des que je l’ai mis les pieds j’ai beaucoup aimé parce qu’il est très ouvert, et très – pas dans le sens américain de diversité – mais très ouvert dans le sens que j’ai les collègues qui travaille sur l’hip-hop et d’autres qui travaillent sur des communautés diasporiques, et moi je suis un fous de l’Afrique et cette conversation entre nous me plait et donc je suis très content d’être ici.
5. Quels étaient les plus grands défis et les plus grands plaisirs d’habiter et travailler en Afrique?
Le plus grand défi, est probablement de suspendre le jugement, en attendant de mieux comprendre de l’intérieure, et de prendre en sérieux. Je ne crois pas que c’est spécifique à l’Afrique, si je voulais travailler sur Durham et je voudrais comprendre les habitants de Durham—et là je ne parle pas de la communauté noir mais de manière générale—pour comprendre il faut vraiment aller a l’intérieure, et ça veux dire suspendre son jugement, parce que des que vous jugez vous avez déjà vu la résultat avant d’avoir vu le processus. Et être prêt à se mettre à la place de l’autre. Ce dire que l’autre c’est vous-même dans d’autre circonstance, ça c’est le plus grand défis. Et bien sûr, l’Afrique est très diffèrent de reste du monde, très diffèrent du monde dans lequel j’ai grandis. Je suis blanc, je suis relativement privilégié, je ne connaissais pas de grande chose à l’Afrique quand j’y suis allée à la première fois (il y a, je ne sais pas, quarante ans). Donc avoir l’attitude pour se mettre à la place de l’autre c’est le plus grand défi. Et bien sûr très souvent on passe à côté parce qu’on pense on a déjà compris, et en réalité on a rien compris. Et on met beaucoup de temps et plus vous restez en Afrique, plus les choses deviennent en fait compliquées.
Le plus grand plaisir, c’est relativement personnel. Quand je me suis présenté je vous ai dit, je viens d’une famille un peu différente (ma grand-mère était russe, etc.). Aller en Afrique a été pour moi un grand plaisir parce que c’est un laboratoire anthropologique. Tout le monde parle plusieurs langues, c’est totalement banal là-bas. Vous pouvez être né dans un village et finissez à la Sorbonne ou à Harvard, c’est tout a fait possible, et je trouvais cette trajectoire absolument unique. Ce n’est pas un raccourci de l’histoire européenne ou américaine, c’est quelque chose d’inédit puisque la hutte, elle existe au même temps que le téléphone portable en Afrique. Et ce mélange entre ce laboratoire m’a même attiré près personnelle énormément plus. Comment vous vous situez dans un monde où vous êtes quelque chose de totalement bigarrer qui n’existe pas ailleurs ou vous n’avez pas ce qu’on appellerait des racines ou « rootholds » quelque pas. À ce titre là j’aime toujours aller sous n’importe quelle prétexte en Afrique juste pour me ressourcer autour de gens qui essaient de bricoler comme nous tous, et moi aussi.
L’entretien, les vidéos, et la transcription sont fait par Josie Holasek et Patricia Deza