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Qasr al-‘Ali – القصر العالي

Qasr al-‘Ali : un oasis de verdure à l’origine de Garden City

Ce n’est pas la grande embarcation à voile [dahabiyya] figurant au premier plan de l’image qui a incité le conservateur, photographe et mémorialiste du Caire moderne Richard Mosseri (1897- 1983) à coller cette photographie dans l’album qu’il consacra à quelques hauts lieux du centre-ville et à leur transformation au fil des décennies en vue de l’exposition « Le Caire d’antan » organisée en 1946 par la Société des amis de l‘art. C’est l’arrière-plan de la vue qui a retenu ici toute son attention. On y discerne, dans leur long développement, la suite de constructions qui constitua le Qasr al-‘Ali, domaine créé en 1820 par Ibrahim pacha et continument transformé par les différentes branches de la famille khédiviale qui l’habitèrent jusqu’à son lotissement en 1906 sous le nom de Garden City.

 

The salamlık, detail,  [Albums sur l’architecture et l’urbanisme du Caire], Max Karkégi, BnF.

La configuration des lieux et leur historique ne sont pas précisément connus. Le premier ensemble dû à Ibrahim fut jugé « médiocrement remarquable sous le rapport du style » (« Le palais d’Ibrahim pacha », Le Magasin pittoresque, 1840, p. 65 ). Les édifices ajoutés au gré des occupants, dont Hoşyar, la mère du khédive Ismaïl, présentaient des enfilades de vastes pièces au lourd mobilier, et des façades badigeonnées de rouge ou peinturlurées en imitation de la pierre. L’un de ses derniers vestiges, encore visible en 1932 depuis la rue Qasr al-Aïni, présente une façade surchargée qui n’aurait pas dépareillé à Istanbul. (Ancien selamlik du Qasr al-‘Ali occupé en 1932 par l’école Rawdat al-Atfal).  Sorte de ville dans la ville, le domaine comptait une École pour les fils des princes. Un théâtre réservé au harem donnait des représentations dans un parterre encerclé d’eunuques pour un auditoire placé derrière des loges grillagées (Le Monde illustré, 24 Avril 1869 p. 257, 262). Il s’y joua en 1869 des spectacles de la troupe de Séraphin Manasse et du cirque Théodore Rancy (Mestyan, 2017, 91-92.)

Le Monde illustré, 24 Avril 1869 p. 257

Le domaine se distinguait surtout par son environnement naturel. Il disposait d’une vue exceptionnelle sur le Nil (à l’instar des yalis du Bosphore) et sur la végétation exotique et luxuriante de l’île de Rawda, où deux horticulteurs écossais, James Traill (1801-1853) et William McCulloch (1802- ?), avaient créé à la demande d’Ibrahim un jardin anglais, avec ruines artificielles, grottes, « passerelle chinoise », et bois tropicaux (dont des tecks et autres spécimens importés en 1835 de Calcutta, Madras et Bombay, et en 1838 du Brésil) (Wilkinson, 2011). En son sein même, de nombreuses cultures étaient pratiquées, grâce à l’une des premières machines à élever l’eau introduites en Égypte.  Avant son avènement en 1863, Ismaïl y avait fait prospérer une raffinerie de sucre. C’est à se demander s’il ne faudrait pas voir dans le nom de Garden City une allusion à la dimension horticole du Qasr al-‘Ali plutôt qu’au modèle urbanistique des cités-jardins ? De nombreuses rues du quartier ont en tout cas conservé des appellations qui lui sont liées: al-Tolombat (machines à vapeur pour élever l’eau), al-Fasqiyya (fontaine),  Ma’mal al-Sukkar (raffinerie de sucre) ; Al-Saraya al-Kubra (le grand palais) ; al-Hadiqa (jardin)…

 

Bibliographie:

Le Monde illustré, 24 Avril 1869.

Adam Mestyan, Arab Patriotism – The Ideology and Culture of Power in Late Ottoman Egypt. Princeton: Princeton University Press, 2017.

Alix Wilkinson, “James Traill And William McCulloch: Two Nineteenth-Century Horticultural Society Gardeners in Egypt”, Garden History 39, No. 1 (Summer 2011): 83-98.

(M.V.)

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