Laurent Dubois

Laurent Dubois, professeur des études romaines à Duke University, est né en Belgique et a vécu la plupart de sa vie aux Etats-Unis. Il est un spécialiste dans l’histoire et culture du caraïbe, et a aussi contribué à la littérature et la recherche sur la politique du football. Il est diplômé de Princeton University en 1992 et il a reçu son doctorat de Michigan University en 1998.

Professeur Dubois a eu une expérience unique dans la région du Triangle grâce à son héritage belge et formation en anglais qui ajoutent de la valuer à la communauté francophone. Ces intérêts académiques et son expérience personnelle interagissent en lui donnant des connaissances approfondies dans l’héritage culturelle riche des francophones aux États-Unis. Voici son histoire. On lui remercie de nous avoir parlé et de faire partie de la communauté francophone vivante de cette région.

 

https://www.youtube.com/watch?v=HK7rF9y-NHw&feature=youtu.be

 

Will Gallagher: Présentez-vous. Où est-ce que vous êtes né? Qu’est-ce que vous faites maintenant? (0 :00 – 1 :19)

Lauren Dubois: Alors moi je suis né en Belgique, à Bruxelles, d’une famille francophone, Bruxelloise. Mais je suis parti quand j’avais trois semaines aux Etats-Unis. On a immigré à Bethesda au Maryland. Mes parents travaillaient au National Institute of Health, ils étaient scientifiques. Donc j’ai grandi aux Etats-Unis dans une famille francophone et on a toujours parlé en français à la maison — c’est comme ça que j’ai appris le français bien que j’aie toujours vécu aux Etats-Unis. Et voilà donc ça m’a beaucoup aidé dans ma profession aujourd’hui. Je suis historien et je travaille beaucoup sur la France, et le monde francophone. Mais je n’ai jamais fait d’études formelles en France d’ailleurs.

 

Tomas Gimenez: Quel est le trajet qui vous a conduit à Durham? (1 :20 – 1 :53)

LD: J’ai fait un doctorat à l’Université de Michigan et puis j’ai trouvé un poste de professeur à Michigan State University à East Lansing, dans le grand nord. Et puis quand j’étais recruté pour venir à Duke en 2006, en 2007, voilà donc je suis venu pour travaillé à Duke dans le département de Romance Studies et d’Histoire. Et voilà je suis là depuis sept ans.

 

Will Gallagher: Et donc pourquoi avez-vous choisi une carrière dans la scolarité, dans la formation? (1 :54 – 3 :39)

LD: Dès le début quand j’étais undergraduate — j’ai fait mes études à Princeton — j’étais déjà très intéressé par l’écriture, plutôt l’écriture disons dans non-fiction, les reportages. Je pensais peut-être travailler comme journaliste, et puis à Princeton je me suis déjà beaucoup intéressé dans les sujets qui, fin, les mêmes sujets que je poursuis maintenant, c’est à dire l’histoire de la caraïbe — Haïti en particulier. Et donc c’était par passion intellectuel que je me suis intéressé à ces sujets et puis j’ai décidé de poursuivre un doctorat sur ça, en histoire anthropologique directement après l’Université en fait. Ca m’a permis de voyager, de faire des recherches, fin d’avoir une vie intéressante. Et puis voilà j’ai pu trouver — en fait dans cette carrière-là on ne sait jamais si on va trouver des postes! Mais j’ai pu trouver de bons postes et j’aime à la fois l’enseignement et puis l’écriture de la recherche. J’écris sur pas mal de thèmes différentes — l’histoire de la caraïbe et plus récemment je travaille sur l’histoire du football et d’autres sujets aussi, donc j’ai pu exploré différentes dimensions. J’ai beaucoup travaillé entre disciplines. J’ai une formation en histoire et anthropologie, mais je travaille beaucoup dans la littérature et puis aussi je suis dans deux départements. Pour moi c’est assez intéressant de pouvoir traverser différents domaines.

 

TG: Quels sont quelques défis que vous avez eu dans votre carrière? (3 :40 – 5 :21)

LD: Bon, il y a eu les défis normaux, de trouver des bourses, de pouvoir avoir les bourses pour la recherche aussi bien que pour aller à l’école doctorale. Et aussi les moments de doute, de savoir si c’était vraiment ça que je voulais faire. Ca c’est normale, je pense. Et puis de décider quelle carrière, fin quelle façon de poursuivre la carrière. Je pense qu’en générale c’est une carrière où on a beaucoup de flexibilité, donc en fait on a énormément d’autonomie pour faire des choix. Bon parfois je pense que ce qui se passe dans le monde académique, parfois il faut choisir des sujets qu’on aime vraiment parce qu’il y a toujours des périodes dans la recherche qui sont plus embêtantes, qui sont difficiles. Il y a des défis, au milieu d’un projet on peut avoir des parties qui sont compliqués, donc c’est vrai que parfois il y a des collègues, disons qu’il faut aimer beaucoup beaucoup le sujet, parce que si au début on est un peu comme ça, c’est difficile à finir. Je dirai que c’est toujours question de trouver la balance entre le travail et la vie familiale, toutes les questions que tout le monde se pose.

 

WG: Comment trouvez-vous la culture à Durham, et au Caroline du Nord? Et est-ce qu’il y a de grandes différences entre cette culture ici et la culture de votre pays de naissance, où plutôt le pays de vos parents? (5 :22 – 8 :35)

LD: Oui alors Durham, j’aime beaucoup Durham. Je trouve que c’est une ville assez intéressante avec beaucoup de différents niveaux, c’est une ville qui à premier aperçu, on ne la voit pas très bien. Ce n’est pas une ville d’accès très facile, c’est à dire il y a beaucoup de niveaux de mondes culturels et sociales qui sont un peu cachées, et je sais que pour beaucoup d’étudiants à Duke c’est une ville qu’on ne comprend pas facilement. Mais il y a énormément de choses qui se passent à Durham. Et j’aime en fait qu’il y a énormément de gens à Durham qui sont complètement séparés du monde de l’université. Au niveau de la différence, c’est marron parce que je dis toujours que je vais en Europe et je dois toujours défendre les Etats-Unis, et aux Etats-Unis je dois défendre l’Europe. J’ai l’impression de comprendre bien les deux mondes assez bien et de comprendre aussi pourquoi les deux mondes ne se comprennent pas du tout. C’est vrai qu’il y a beaucoup de subtilités… à un niveau on dirait que l’Europe et l’Amérique ne sont pas trop différents parce que finalement il y a des cultures, de l’histoire commune, fin bon beaucoup de culture qui partagée: le langage, littérature, etc.

Mais aussi il y a d’énormes différences, notamment au niveau des systèmes d’éducation. Alors ça c’est très fascinant que, je pense souvent que — ayant ma personnalité — je ne sais pas si j’aurais réussi académiquement en Europe dans un système qui est beaucoup plus stricte, organisé et moi je suis un peu anarchique. Et je crois que le système d’éducation à l’Américain permet quand-même beaucoup plus de créativité, et de chemins un peu bizarres. Donc moi je sais que j’aurais une vie très différente dans une culture différente. Moi quand je vois les contrastes entre les modèles d’éducation c’est quand-même très frappant. Et je vois ça quand on a des étudiants — ça va pour expliquer quel est le modèle d’éducation aux Etats-Unis à un Français, ça peut être très compliqué. Parce qu’en fait c’est comme expliquer le baseball à un Français! Et dans l’autre direction, là aussi expliquer le football (le soccer) à certains Américains, c’est compliqué! C’est tout pour dire que, bien sûr il y a beaucoup de personnes dans notre génération et parmi beaucoup d’étudiants il y a bien sûr beaucoup de gens qui vivent entre cultures. Et donc on prend l’habitude de comprendre dans plusieurs contextes.

 

TG: Donc vous aimez la diversité à Durham. Avez-vous trouvé une communauté Belge où francophone? (8 :36 – 9 :30)

LD: C’est plutôt à l’université, je n’ai pas trouvé, j’ai parfois des rencontres, notamment il y a une communauté Haïtienne dans le coin, francophone et créolophone. Et surtout l’Afrique de l’Ouest (le Cameroun, etc) et quelques français aussi. Mais je ne dirais pas qu’il y a une communauté francophone structurée à Durham. En revanche dans le département, puisque j’enseigne dans le département, là il y a mes collègues. Donc c’est plus là, et puis je parle français beaucoup avec ma famille, et c’est vrai que j’ai quelques amis et collègues ici qui sont francophones avec lesquels je parle français.

 

WG: Est-ce que vous ressentez une appartenance à la communauté francophone mondiale? Et comment est-ce que cela a influencé vos choix professionnels? (9 :31 – 10 :48)

LD: Certainement quelque part, en fait je dirais que le fait de parler français m’a certainement permis de faire partie des discussions, surtout en France, en Haïti, en Afrique. Et puis oui j’aime beaucoup certains aspects de la littérature en français. Fin il y a beaucoup de choses qui ne sont pas traduites en anglais. Il y a aussi le monde de culture, de musique, de football, etc. Je dirais que c’est plutôt une appartenance informelle, donc je ne suis pas très axés vers les institutions formels de la francophonie, mais j’aime beaucoup tous les contacts que ça permet. Notamment, comme vous le savez, en Afrique c’est une langue très importante, et ça permet quand-même de rencontrer beaucoup de collègues et il y a tout un monde intellectuel qui se fait en français qui serait inaccessible sans la langue.

 

TG: Vous n’avez pas grandi beaucoup de temps en Belgique, mais en même temps, ressentez-vous avoir un rapport avec la Belgique? (10 :49 – 12 :36)

LD: J’ai un rapport assez ironique, disons. J’aime bien être Belge quand ça me convient, par exemple quand l’équipe de football joue bien! Et puis il y a certains aspects de la culture en Belgique: la nourriture, les bandes dessinées, etc. Mais comme vous savez la Belgique elle-même est une construction assez fragile. C’est vrai que je me sens plus Belge que par exemple Français. J’ai vécu plusieurs années en France, donc j’ai vécu plus longtemps en France que j’ai jamais vécu en Belgique. Mais mes alliances personnelles, de collègues, sont plus avec la Caraïbe qu’avec la Belgique. Je dirais que je me sens plus lié avec Haïti et Guadeloupe qu’avec la Belgique. Mais c’est un pays que j’aime bien, mais c’est vrai que c’est un peu limité, parce que je n’ai jamais fait d’éducation là bas. J’y vais comme en vacances, quoi. En revanche en France j’ai fait plus de liens avec des universités en France et dont là j’étais plus ancré. J’ai vécu à Paris et à Aix-en-Provence, donc ces deux villes-là sont plus familières, les plus familières des villes européennes.

 

WG: Donc il y a d’autres communautés linguistiques à Durham et au Caroline du Nord. Quelles sont les communautés linguistiques qui ont les présences les plus fortes? (12 :37 – 13 : 21)

LD: Ce que je connais à Durham c’est plutôt la communauté latino, espagnole. Il y a une presse, des organisations, etc. J’ai quelques liens et contacts avec la communauté Haïtienne, où il y a le français et le créole. Et je sais qu’il y a d’autres communautés linguistiques mais je n’ai pas beaucoup de contact avec eux.

 

TG: Est-ce que vous pensez qu’ils s’intègrent bien ou pas? (13 :21 – 14 :13)

LD: Je pense qu’au niveau de la communauté latino, hispanophone c’est un peu compliqué à Durham. Puisque c’est une communauté assez récente, et il y a beaucoup de questions autour de la présence dans la ville, etc. Je pense qu’il y a quand-même assez de tensions et au sens plus large, toute la question de l’espagnole et l’immigration aux Etats-Unis. La communauté francophone, parce que c’est moins visible et puis c’est plus des gens dans le monde professionnel, c’est plus des personnes multilingues, donc ils participent un peu différemment.

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